Portrait : Justine Saur


Après avoir obtenu son diplôme d’État en architecture à l’ENSAP de Bordeaux, Justine Saur a effectué un stage de 2 mois dans l’agence Construire aux côtés de Nicole Concordet. Elle se dirige ensuite vers l’association la Preuve par 7[1] où elle réalise sa mise en situation professionnelle dans le cadre de son HMONP[2]. Elle pratique la maîtrise d’usage pour mener à bien son projet comme elle l’avait initiée pour la réalisation de son mémoire sur le thème de l’action culturelle en milieu rural. Portrait.

Question : Pourquoi avoir choisi le séminaire « Repenser la métropolisation » ?

Réponse Justine Saur: J’ai choisi ce séminaire car il nous permettait, dès notre passage à l’école de nous politiser dans la profession. En effet, il nous permettait de comprendre l’aspect politique de la construction de la ville et de l’architecture.

Cette envie m’est venue de la lecture d’articles sur le droit de la ville[3] et de discussions avec des étudiants de l’Institut d’études politiques de Bordeaux à propos du phénomène de métropolisation que nous abordions en cours. Ces différents cours sur la fabrication urbaine posaient la question des mutations des villes et plus particulièrement, la manière de faire de la construction massive à l’échelle de blocs d’habitations et d’îlots urbains.

Q : Quel sujet avez-vous questionné dans votre mémoire ?

J. S. : J’ai eu la curiosité de m’intéresser à ce qui se passait en dehors des métropoles et de l’influence des politiques institutionnelles. C’est pourquoi, j’ai effectué mon mémoire sur l’action culturelle en milieu rural. Toutes les initiatives ne se passent pas forcément dans les métropoles. Au contraire, une forme d’urbanisme, plus expérimentale se passe en milieu rural et semi-rural, plutôt que dans le contexte très politisé des villes où les formes se répètent de manière parfois figées. Au final, il y a des manières très innovantes de faire la ville, même s’il s’agit en réalité de villages pour la plupart.

Parmi mes cas d’études, j’ai notamment étudié les Chantiers Tramasset de Le Tourne et le squat rural de la papeterie à Pujols-sur-Ciron. Pour les déterminer et les analyser, je partais d’une association ou d’une dynamique culturelle qui influençait l’urbanisme et soulignait les initiatives prises par un groupe.

Q : Comment cet exercice vous a-t-il aidé dans votre vie professionnelle ?

J. S. : Cet exercice m’a apporté un apprentissage pour ce qui est de la méthodologie (organiser des recherches et effectuer des enquêtes), dont je me sers constamment.

Pour ce qui est de la recherche, c’est un thème que j’ai initié lors de l’exercice de mémoire, que j’ai adapté en recherche-action pour faire mon PFE[4] et que je poursuis actuellement dans ma vie professionnelle.

Enfin, pour ce qui est de l’écriture, c’est toujours un domaine dans lequel j’ai des difficultés et que je n’affectionne pas particulièrement.

Q : Quelle est votre situation professionnelle actuelle ? Et quelles sont vos responsabilités ?

J. S. : Je fais actuellement mon HMONP depuis octobre 2019 à l’ENSA de Paris-La Villette. J’effectue ma mise en situation professionnelle dans l’association Notre Atelier Commun qui soutient l’aspect recherche dont se sert l’agence Construire dans ses projets. Plus précisément, je suis permanente à l’association La Preuve par 7 qui est une démarche expérimentale d’urbanisme et d’architecture dont l’objectif est de promouvoir le recours à la programmation ouverte. Cette nouvelle manière de construire la ville collectivement développe notamment la maîtrise d’usage, ancrée dans la pratique quotidienne du terrain.

Parmi les 7 échelles d’expérimentation développées dans ce collectif[5], je travaille sur l’échelle de la commune de banlieue. Une ville dans la banlieue parisienne va construire un lycée d’ici quelques années. Je commence donc à penser à la programmation qui pourrait définir ce lycée plus tard. L’objectif est de trouver une alternative pour réduire les problèmes sociaux de banlieue. Pour ce faire, j’effectue une approche de maîtrise d’usage, manière alternative de construire la ville collectivement développée dans cette association. Cela demande de pratiquer du terrain, de rencontrer des associations, des habitants, des jeunes voire des institutions plus décisionnelles comme le rectorat ou la région afin de concevoir un lieu qui va vivre, rendre compte des occupations qui ont lieu, etc.

Je suis assez autonome sur ce projet et n’ai pas de tuteur de stage à proprement parler qui me transmet son savoir d’agence. C’est pourquoi je m’interroge pour mon sujet de mémoire : comment fonctionne une agence classique ? Est-ce que l’architecte peut prendre d’autres considérations dans la ville ?

Q : Est-ce que vous avez poursuivi dans votre activité les thèmes que vous aviez développés dans votre mémoire ?

J. S. : Je dirais que j’ai poursuivi dans le thème de l’action culturelle qui participe à l’implication citoyenne dans la construction de la ville. Dans le cadre du projet du nouveau lycée, je travaille avec une école de cirque, qui, par ses actions dans le quartier et la ville, est complètement impliquée dans le projet. Une fois encore, je constate l’importance de la culture comme medium de transmission qui participe à l’élaboration de la ville, du quartier et du projet.

Pour ce qui est du domaine de l’urbanisme, je ne l’exploite actuellement pas. Au contraire, mon projet se situe plutôt dans un schéma classique des aménageurs en zone urbaine.

Q : Quelles sont vos perspectives d’avenir ?

J. S. : Pour l’instant je continue de travailler sur le projet de la Preuve par 7 et dans la permanence, je resterais impliquée dans la démarche en fonction de l’évolution des projets. Je dois également effectuer ma soutenance de mémoire en novembre 2020, ce qui représente mon prochain objectif.

Concevoir d’après des rencontres et du terrain est un aspect que je souhaiterais garder. En effet, je veux continuer à pratiquer l’architecture dans cette démarche de maîtrise d’usage.

Par ailleurs, je n’ai jamais su choisir entre les deux domaines qui me tiennent à cœur : l’architecture et l’art vivant. C’est pourquoi, j’aimerais trouver une structure qui me permettrait de combiner les deux.

Q : Quel est le conseil que vous donneriez aux futur.e.s architecte.s ?

J. S. : D’être exigeant.e et responsable quand il s’agit de construire pour les autres. Pour cela, il faut s’engager dans le pourquoi, pour qui et comment on construit. Avoir un point de vue social et écologique et surtout accepter un travail et des missions qui correspondent à leurs attentes et leurs goûts.


[1] https://lapreuvepar7.fr

[2] HMONP : Habilitation à la Maîtrise d’Œuvre en son Nom Propre

[3] Henri LEFÈBVRE, Le droit à la ville, Paris, Editions Anthropos, 1968 ; Laurence COSTES, « Le Droit à la ville de Henri Lefèbvre : quel héritage politique et scientifique ? », Espaces et Sociétés, 2010, n° 140-141, pp. 177-191 ; David HARVEY, Villes rebelles : du droit à la ville à la révolution urbaine, Paris, Buchet/ Chastel, 2015

[4] PFE : Projet Final d’Études

[5] Les 7 échelles développées par la Preuve par 7 d’expérimentation désignent : le village, le bourg, la ville, la commune de banlieue, la métropole régionale, le bâtiment public désaffecté et l’outre-mer.

Pour aller plus loin,